D'un coup de pied vif, Benjamin fit tomber le type en face de lui, qui grogna de mécontentement. Son collègue était déjà sur un banc, un peu plus loin, entrain de se masser les cervicales. Reprenant une attitude normale, l'expert en tactique sourit tranquillement en observant tour à tour ses deux Tigres en formation.

- Vous ne connaissez vraiment rien au sens du mot "baston" les mecs... Je vous ai même battu sans utiliser mes bras. C'est tout à fait déplorable, surtout pour deux aspirants Tigres.

Deux futurs Tigres qui désiraient lui montrer leur talent au combat rapproché. Ils avaient à peine atteint la majorité qu'ils décidaient déjà de combattre un cyborg dont l'expérience et le talent n'était plus à démontrer. D'un côté, c'était une bonne initiative que Benjamin appréciait, et c'est même pour cela qu'il ne les avaient pas houspillés, surtout pour leur futur choix d'entrer dans l'équipe des Red Tigers. De l'autre côté, ils connaissaient à l'avance l'issue du combat et l'expert tacticien se demandait pourquoi ils avaient voulu se tester contre lui plutôt que contre un "humain" non-cyborg qui avait un poil moins d'expérience.
Mais bon... Il se foutait déjà de la réponse.

- Faites vos preuves chez les Green Bears pendant un temps, et revenez me voir quand vous serez prêt. Pas avant, sinon gare à vos miches! Dégagez maintenant...

Le ton était sec, avec une petite pointe de sympathie, pour ne pas les apeurer tout les deux. Car malgré son apparent mauvais caractère, Benjamin était très protecteur envers ses hommes, et ceux là en feraient partie. Il aimait aussi apprendre aux moins expérimentés et c'était de cela qu'ils avaient besoin. Ses vrais sarcasmes et paroles froides et méchantes étaient pour les autres, ceux qu'il détestait le plus souvent.

Laissant les deux jeunes hommes disparaitre de sa vue, le Tigre but une longue gorgée d'eau avant de s'essuyer rapidement le visage avec une serviette. Les traces de son combat effacées, Benjamin prit la direction des entrées du complexe. Il avait un rendez-vous.
Ana et lui devait épauler les Green Bears dans les rondes, et les deux Tigres s'étaient décidés à les aider aujourd'hui dans la garde de la base. Une fois sortie, il attendit que la jeune femme daigne se présenter. Il frissonna un peu, car malgré le fait que le printemps était là, les températures étaient dans une période ponctuée de haut et de bas. Ce soir là, c'était le froid qui trônait sur la chaleur. Dommage pour les deux coéquipiers, qui auraient à vérifier un bon périmètre de la zone de sécurité entre les entrées de la base et les ruines de la ville.

Enfin, la jeune femme arriva, Benjamin grogna légèrement et commença à marcher droit devant lui, sa lampe éclairant les environs et son arme portée vers le bas.

- Alors ma p'tite, en retard? Prêt pour une nuit de merde?

Toujours ironique avec ses collègues Tigres, Benjamin ne pouvait s'empêcher de leur envoyer des piques. Il aimait cela.

[**se pourlèche les babines**au buchay!]

Karl méditait, l'esprit dans ce qu'il aimait appeler sa "Sphère". Il se concentrait, comme il en avait l'habitude, jadis, aux docks, à tenter de décortiquer les différents sons comme des couches, les séparer, les reconnaître. Avant la guerre, Karl s'était tant entrainé, que les sons des docks devinrent sa spécialité. Mais désormais il se concentrait essentiellement sur le silence qui habitait le monde.
Dans feu son campement et base, Karl avait finit par reconnaître les pas de certains, à leur façon de marcher, le temps entre les pas. Rien de surnaturel ne se trouvait dans cet acte, de toute manière, Karl ne croyait en rien au mysticisme de la magie noire ou autre. C'était à force d'exercices, d'échecs et de nouvelles tentatives que sa méditation devint un moyen de s'apaiser, de réfléchir et quelques fois, de sentir arriver mieux que les yeux, quelqu'un ou quelque chose arriver. L'ouïe est plus fiable que la vue la nuit, et c'était pour ça qu'il l'avait entrainée, certes plus pour ses "jobs" nocturnes à la moralité discutable que pour son travail de dockers, m'enfin. D'autres temps, d'autres moeurs.

Après quelques minutes, surement un quart d'heure ou plus, Karl était parvenu à détacher le son continue de la cascade, le plus facile à faire. Il se concentra ensuite sur la brise environnante qui agitait doucement l'air ambiant et n'arrangeait rien. L'esprit vide, ou presque, le sentiment de quiétude qu'il affectionnait arriva enfin. Cette sensation non pas de solitude, comme ce fut sa peur, mais d'un détachement de son environnement selon lui.
Cependant, quelque chose clochait depuis plusieurs secondes. Un infime bruit d'air sur le sol derrière lui s'était arrêté, puis avait reprit. Un animal vivant qui l'avait sentit? son imagination dans ce désert

**non... deux... trois?** s'interrogea-t-il alors que cela s'approchait à un rythme toujours aussi continue.

Un animal? Peut être, rien de moins certains. Il repensa au renard qui s'en va et qui erre. Un trot serré et continue, fluide et léger. Ces pas étaient certes fluides, du moins lui semblait-il, mais il manquait un temps. Au moins, le pas lourd d'une machine étant aussi reconnaissable que sa grande Tante Alicia part sa lourdeur et sa lenteur; il était persuadé de ne pas tomber sur un amas de tôle.

**Oiseau... ron...**

"Membre des Red Tigers de la Résistance, Ana-Maria. Déclinez votre identité et vos intentions !"

**Raté. Humaine**

Karl ouvrit lentement les mains, écartant les doigts, le temps d'ouvrir et refermer à demi les yeux par le faisceau dans le visage, il pivota très lentement une cheville, non pas qu'il voulait bondir sur la jeune femme pour l'interrompre dans sa quiétude, ni pour saisit le premier objet "nuisible à la santé" comme il les appelait, qui se trouvait dans son sac, mais plutôt pour bondir loin en avant si la réponse ne lui satisfait pas. La confiance en l'Homme était un fil de rasoir entre le couard et le "happy trigger".
Ne voyant rien, à part ses pieds, il prit pour compte qu'elle...

**eux?**

étai(en)t armés. Personne ne parle comme ça sans compagnon. D'autant plus que, dans son souvenir, les Tigres ne sont pas les as du câlin mignon du hamster. De préférence "jugula" que "pace" il valait mieux sortir la diplomatie et le tact.Bref, Karl fit claquer sa langue et annonça de façon à articuler le plus audiblement possible, sans crier

- Karl Corven. Je viens de "l'American Falls Reservoir". Je cherche Niagara Falls.

Réfléchissant rapidement, il se remémora où les annotations et plans se trouvaient. Ils étaient à ses pieds. Attendant une réponse suite à ça, il se dit que montrer les plans, lentement, serait la bonne manoeuvre.

Cette posture lui rappelait l'été 2010... Une mauvaise année; pour lui et la police locale. Alors qu'il cherchait à voir qui lui posait la question, en définir les mesures, une citation lui vint qui le fit sourire en coin: "Un mot gentil et un pistolet apportent bien plus qu'un mot gentil seul". Pas faux, d'ordinaire il aurait fait de l'humour, ou carrément envoyé chier la personne. Comme quoi, même en 1930, ils avaient du bon sens.

** No happy trigger, sioupplaît** pensa-t-il et se garda-t-il de dire.

- C'est pas parce que ta petite Leilah n'est pas là que cette nuit sera merdique pour autant !

Pas mal comme réplique pour une petite ! Benjamin sourit légèrement et offrit à sa collègue un beau doigt d'honneur bien placé suivi d'un clin d'œil en coin et d'un plus large sourire. Même si Ana avait en quelque sorte raison, et bien que la pique précédemment placée par l'expert tactique soit plus ironique que véritable, Benjamin savait que les nuits où la seule activité était de faire des rondes était une nuit totalement merdique et ennuyeuse. Les machines, on les entendaient de loin et les mines magnétiques pétaient dès qu'un bout de leur pied mécanique touchait un périmètre d'un mètre autour de la mine. Près des entrées, on trouvait juste des animaux, qui comme par magie, se reproduisait avec plus de facilité que dans les zones contrôlées par Skynet.

- Aller bouge tes fesses Snider, on a un boulot à faire !

Qu'est-ce qu'elle était entreprenante cette fille ! Peu de personnes dans la base osaient lui parler comme ça... Et elle en faisait partie, tout comme Duncan et une bonne partie des Red Tigers que Benjamin appréciait.

- C'est bon petite, c'est bon ! Tu crois que t'es le chef bon sang ?!

Il avait dit ça comme d'habitude, avec une ironie feinte, pour ne pas lui faire croire qu'il était sérieux. Même si après quelques années passés à vivre dans le même bain, la plupart des Tigres connaissaient son caractère et ses méthodes de discussion...
Se positionnant derrière Ana, l'expert en tactique la suivit tranquillement tandis que l'autre équipe sur laquelle il n'avait pas daigner porter un regard, s'en allait vers le côté opposé. Les deux coéquipiers avançaient à pas feutrés, l'arme en joue et prêt à tirer si il le fallait. Bien entendu, tout les deux savaient qu'ils auraient beaucoup de malchance si ils trouvaient ne serait-ce qu'une marque de machine ici, mis à part dans les égouts...

Après quelques minutes de marche silencieuse, Ana fit signe à son compère de prendre à gauche, signe qu'elle avait entendu quelque chose. Benjamin obtempéra, sachant qu'à la fin de la mission, il ne se priverait pas de l'engueuler gentiment sur le fait qu'elle lui donne un ordre, et vira à gauche. Il contourna des feuillages, ne brisant en rien le silence qui régnait ici, puis il déboucha sur un petit endroit où l'herbe semblait avoir été rasée. Au milieu de l'herbe coupée, un homme était assis en tailleur, visiblement en pleine méditation.

- Membre des Red Tigers de la Résistance, Ana-Maria. Déclinez votre identité et vos intentions !

Benjamin s'agenouilla, en attendant que le type se tourne vers Ana, à son opposé. Désormais, un geste trahissant une éventuelle agressivité et il pouvait dire adieu à l'une de ses parties du corps. Cet homme sembla comprendre que la situation n'était pas à la rigolade, aussi leva t-il les bras en signe de soumission.

- Karl Corven. Je viens de "l'American Falls Reservoir". Je cherche Niagara Falls.

L'expert tactique ne dit rien, dans le cas où il cachait quelque chose. Il préférait laisser le contrôle de la situation à Ana et intervenir en cas de besoin où quand il penserait que l'homme n'était pas un danger.
L'American Falls Reservoir... C'était une autre poche de résistance si il se souvenait bien... Mais il ne se rappelait plus où elle était située. Le type allait l'éclaircir c'était certain, surtout sur le pourquoi de son départ de cette base là pour venir ici...

Sentant la torche se baisser Karl ouvrit un oeil, puis le deuxième. La lumière était encore vive mais les pupilles marchaient encore bien et s'acclimatait à la luminosité. De toute évidence, la base de Niagara Falls était très à cheval sur la sécurité, plus que la plupart des bases semblait-il. Alors que les méninges travaillait à cette vitesse folle comme ils savent le faire si bien, Karl observa quelques instants Ana-Maria cherchant un signe quelconque de reconnaissance. Rien, le contre jour l'empêchait de voir quoi que ce soit.

**Va falloir improviser mon vieux**

Cherchant des mots justes afin d'abréger ce moment plus qu'humiliant pour Karl, il abaissa ses mains, cherchant lentement à ramasser sa carte et documents sur la base.

- L'American Falls est tombée, articula-t-il lentement. Les machines nous ont trouvés et détruits. Je n'ai trouvé aucun autre survivant. Soulevant les document à hauteur de son visage pour se protéger de la lumière,J'ai trouvé un chemin pour venir ici. C'est tout. J'sais m'rendre utile et j'pensais rallier la base pour vous prévenir et vous rejoindre.

Avec un argument aussi vague, il n'espérait rien d'autre que la curiosité. Par les temps et depuis WWIII, les gens espérait voir un être meilleur en chaque survivant, et peut être que cette nana aussi. bougeant très légèrement la tête, à l'ombre du faisceau, Karl s'employa à retrouver une vue qu'il jugeait de décente. Ce n'est qu'en voyant correctement la/les membres de la bases présents qu'il aurait une once de confiance. Pour le moment il jouait l'assurance au bluff.

**Aller.. Gobe cet os et fous d'dans... J'ai pas envie de rester comme ça.**

Si il y avait bel et bien quelqu'un d'autre et vu la façon d'accoster, Karl aurait mis sa main au feu qu'il se trouvait dans un angle mort de sa vue, le tenant en joue. Et la perspective d'avoir deux canons braqués sur lui alors que je sien était dans son sac n'était franchement pas rassurant. Il avait deux cent mètres à faire avant l'eau des chutes, facilement et la broussaille était à deux bonds, trois peut être, si il faisait ça rapidement. Il avait la carte en main, bonne distraction. Espérant que la réponse fut satisfaisante, cas contraire il allait jouer un numéro de chat et souris. A mesure qu'ils "parlaient", néanmoins, Karl se voyait de moins en moins en gibier. Reste que la prudence est mère de survie et ce n'était pas le moment de l'oublier. Tâchant de garder le calme apparent, et canalisant l'adrénaline dans la réflexion plus que l'impulsion, les méninges à 300km/h, le dockers serra sans s'en rendre compte, un peu plus fermement la carte.

**mais ouai!**

- Tenez, regardez la carte vous même, ajouta-t-il après quelques secondes qui parurent bien plus à ses yeux.

Il tendit le bras vers la source de lumière qui l'agressa à nouveau, bien que beaucoup moins qu'auparavant. Si elle ne prenait pas la carte, il se lèverait, ce qui était encore mieux en cas de pépin. Il ne savait rien de l'entraînement au corps à corps des Tigres, mais il ne voulait avoir aucune mauvaise surprise sans joker. Maudissant au fond la paranoïa même en situation qui n'est que normale, Karl feinta un sourire qui se voulu rassurant et de bonne volonté. Il crispa ses orteils pour les éveiller, inspira en attendant le prochain geste des Tigres. Il avait commencé comme une pelote de laine, il espérait que son acte le transformait en autre chose, pendant que ses documents devenaient le centre d'attention.
**fais pas le con Karl... tu ne fais que leur montrer la bonne foi... pas de bêtises.**

- Pourquoi avoir quitté l'American Falls Reservoir ?... Qu'est-il arrivé à la base ? Quel est le but de votre venue ?

Apparemment, Ana pensait exactement à la même chose que Benjamin, c'est à dire ; qu'était t-il arrivé à sa base pour qu'il débarque de nul part comme ça? Que de questions pour un simple nouveau venu... C'était ça que l'on appelait "la sécurité de Niagara Falls". Une sécurité très développée, voir l'une des plus puissante et efficace parmi toutes les poches de résistance. Mis à part dans les égouts, les machines ne tentaient plus de proliférer dans la ville et ses environs, jusqu'à... Jusqu'à qu'ils se décident à passer à l'offensive...
Les résistants attendaient ce moment avec un mélange d'effroi et d'excitation. L'effroi pour la simple raison que les attaques massives de Skynet se terminaient pratiquement toujours sur une défaite pour la race humaine et l'excitation pour le fait d'habiter l'une des plus puissantes base de la résistance. Benjamin n'attendait pas forcément ce moment avec impatience où avec une autre émotion. Il savait qu'il allait une nouvelle fois avoir mal au cœur en voyant les corps de ses semblables et de ceux avec qui il avait partagé de bons moments... Il voulait repousser cette situation jusqu'au maximum, même si d'un côté, pour en finir avec l'asservissement des machines, il faudrait les combattre... Mais ça, c'était une autre histoire.

Le dénommé Karl répondit à la nouvelle question de Ana par une réponse assez dérangeante. Une autre base de la Résistance était tombée. il tendit ensuite une carte pour appuyer sa précédente phrase. La situation était visiblement crispé, surtout du côté du type qui semblait essayer de se décrisper à en juger par le mouvement de ses pieds. Benjamin ne pouvait voir son visage mais il aurait pu mettre sa main au feu que Karl Corven essayait tant bien que mal de sourire pour montrer sa bonne volonté. Pour l'instant, la confiance n'était pas de mise. De plus, les fusils pointés vers l'homme ne devait pas plus le rassurer.

Benjamin se leva silencieusement et avança de quelques mètres vers le nouveau venu. Son arme était toujours pointé vers Karl et il remarqua que ses pupilles rétrécissaient, signe qu'il se prenait la lumière en pleine tronche. Le Tigre fit un signe discret à sa coéquipière pour qu'elle baisse sa torche. Pour avoir un semblant de confiance entre les deux partis, il valait mieux se montrer obligeant et laisser un tant soit peu de manoeuvre à l'homme en face d'eux, comme par exemple montrer leurs visages. Benjamin fixa ensuite son vis à vis masculin jusqu'à que celui-ci le regarde.

- Membre des Red Tigers, Snider. Où se situe votre ancienne base ?

Il ajouta un sourire à sa demande pour paraitre un poil rassurant. Il savait très bien que mettre son irascibilité de côté était primordial pour cette fois. C'était un humain -à priori!- donc un futur membre de la résistance de Niagara Falls, il valait donc mieux pour lui de l'accueillir avec une touche de gentillesse. Il avait dû faire un long chemin épuisant physiquement et psychologiquement. L'aider un tant soit peu était obligatoire.